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Ce mois-ci, nous avons le plaisir d’échanger avec Kevin Gabellini, infirmier de santé au travail, adhérent et trésorier du bureau GIT Grand-Est.


1/ Kevin, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Kevin Gabellini, je suis Infirmier santé travail (IST) au sein de l’association paritaire de santé au travail BTP 06, l’APST BTP 06, qui est un service de santé au travail  interentreprises. 

Cela fait près de 4 ans que je travaille au sein du service de Vallauris, en tant qu’IST. Je suis Infirmier Diplômé d’Etat depuis 2010.

2/ Pourquoi as-tu fait le choix de la santé au travail ?

J’ai souhaité sortir du domaine dans lequel je me trouvais depuis 2017, où je travaillais  principalement dans des EHPAD. Je me suis renseigné afin de me réorienter et le secteur de la santé au travail était une spécialité qui me paraissait intéressante (mais que je ne connaissais pas) et vers laquelle j’ai eu envie de me projeter. 

Ce sont deux activités différentes. En service interentreprise, le côté technique représenté par les soins ou les pansements ne sont pas présents. Malgré tout, je retrouve des points communs entre la santé au travail et celle en EHPAD qui me permettent d’être particulièrement à l’aise dans l’exercice de ma profession d’aujourd’hui. 

Par exemple, avec la crise sanitaire, l’hygiène est un sujet omniprésent, le lavage des mains, la friction hydroalcoolique, la désinfection  : autant de sujets présents dans la formation initiale d’infirmier. 

J’ai appris un panel important de connaissances, et, quand je reçois des salariés au cours d’une visite, je fais automatiquement des liens entre certaines pathologies et leur activité professionnelle. Cela me permet d’établir efficacement des diagnostics infirmiers pour la constitution des dossiers ou le travail de communication avec les médecins du travail.

3/ As-tu suivi une formation spécifique en santé au travail au moment de ta réorientation ?

Pas vraiment. Je me suis rendu compte qu’il était compliqué de se faire embaucher en tant qu’infirmier de santé au travail dans une entreprise, sans qualification ou diplôme spécifique. Pendant mes recherches, j’ai pris contact avec l’Université d’Aix-Marseille qui m’a orientée vers les trois services de santé au travail de ma région (les Alpes-Maritimes) :  l’AMETRA 06, le CMTI 06 et l’APST BTP 06. Je les ai tous contactés et l’APST BTP 06 m’a répondu et proposé un contrat de travail. Une fois en poste, ils ont financé ma formation (Formation en Santé au Travail avec l’AFOMETRA, certification).

Je ne regrette pas du tout ce choix (de formation ou de métier ?) car le secteur du BTP comprend de nombreux métiers très différents, me permettant d’enrichir mon expérience. On passe souvent à côté d’un chantier de construction, mais on ne connaît pas vraiment le travail qui y est abattu. Maintenant, j’en ai une idée plus claire, et je sais surtout quelle somme d’énergie est dépensée par les personnes travaillant dans ce domaine.

Un tiers de mon temps est consacré à l’AMT (action en milieu de travail). L’AMT permet de renforcer mon expertise pour améliorer le suivi des salariés. Le fait de voir les salariés travailler, le fait de pouvoir observer les gestes, les pratiques et comportements permet de nourrir les échanges au cours des VIP. C’est un réel intérêt : cela me permet également de créer de la proximité avec les salariés, en évoquant des détails sur leur travail, d’instaurer une relation de confiance et d’approfondir la conversation. Mon discours leur paraît ainsi plus concret. 

6/ Quelle est le rythme de fréquence de visites de suivi des salariés dans le milieu du BTP ?

Les détails des suivis sont régis par la Loi travail (El Khomri), applicable au 1er Janvier 2017.

Les SIR (Suivi Individuel Renforcé) répondent à un système de périodicité bi-annuelle, c’est-à-dire tous les deux ans, pour les salariés exposés à des risques particuliers (amiante, opérations de montage et démontage d’échafaudages, etc.). 

Les SIA (Suivi Individuel Adapté) sont dédiés aux salariés bénéficiant d’une reconnaissance qualité de travailleur handicapé, les femmes enceintes, les travailleurs de nuit, et d’autres catégories. La périodicité est alors, pour ces salariés, de 3 ans.

Enfin, les SIG, (Suivi Individuel Général), s’appliquent aux salariés non soumis à des risques particuliers. Le rythme réglementaire est de 5 ans entre deux visites. 

Néanmoins, chaque salarié bénéficie d’un suivi personnalisé en fonction de son histoire, du choix du médecin du travail et des protocoles établis avec l’équipe pluridisciplinaire.

7/ Quelle est ta mission principale en tant qu’infirmier de santé au travail dans le BTP ?

Ma mission principale est le suivi des salariés, en collaboration avec des médecins du travail. Dans ce cadre, j’ai la possibilité de réaliser des visites d’informations et de prévention d’embauche et périodique, ainsi que des suivis intermédiaires (pour les  salariés à risques particuliers (SIR)), ce qui me permet d’établir un échange plus fréquent avec les salariés pour mettre en avant, à un instant T, un état de santé (psychologique ou physique), des conditions de travail, des expositions (risques chimiques, TMS (troubles musculosquelettiques), RPS (risques psychosociaux), etc…). Protocolairement, nous faisons passer des examens complémentaires, comme un audiogramme, un examen de la vision simple, un examen dédié aux conducteurs d’engins et d’autres plus spécifiques sous protocole (ECG, électrocardiogramme). Nous n’interprétons aucun examen. 

Parallèlement au travail sur le terrain, une autre partie de mes missions s’applique aux tâches administratives, comme la création ou la mise à jour de fiche d’entreprise. Document réglementaire à destination de l’entreprise, c’est un puissant  outil d’aide à l’évaluation des risques et à l’élaboration du plan d’action (= priorités d’actions). C’est aussi un outil de communication avec l’entreprise et de traçabilité des expositions professionnelles. Mes missions se poursuivent à travers des visites de chantier, les participations aux CSE et CSSCT.

Enfin, une partie de mon temps est consacrée à l’organisation de réunions de sensibilisation sur différents thèmes (hygiène, addictions, risque chimique, gestes et postures, installation et positionnement au poste de travail informatique, télétravail…) etc.

8/ L’observation est-elle une réelle qualité et compétence à avoir dans ce métier ?

Je le pense, oui. En tant qu’infirmier, l’observation est une des choses les plus importantes à mon sens. Cela nvous permet de repérer des situations à risque (une perfusion qui ne coule plus, un pansement défait ou saturé, mais aussi un changement dans le comportement de la personne et dans son langage (verbal ou non verbal). 

Sur un chantier, c’est la même chose. Je suis dans le repérage des situations à risque et je hiérarchise, du plus au moins dangereux. Cela peut être l’absence de garde-corps sur des zones dangereuses, le risque de chute de hauteur, des voies d’accès à risque, des trémies non sécurisés, une surface glissante, l’absence de port d’EPI dans un contexte dangereux (ex : découpe à sec de béton). Ces observations peuvent mettre en avant un risque pour la santé des salariés. C’est pour cela qu’il est aussi très important de savoir échanger, de se faire entendre et comprendre par les salariés ainsi que les entreprises. 

Et lors des VIP, je fais la même chose, en fonction de l’interrogatoire, des réponses, de l’échange avec le salarié, j’adapte mon discours et j’essaye de faire leun lien avec ce que j’ai observé pour l’accompagner au mieux en lui transmettant le salarié à travers des informations et conseils qui sont spécifiquement adaptés à ses besoins.

9/ Quel est l’origine des risques que tu observes le plus souvent ? 

Les origines sont variables d’un chantier à l’autre. Sur certains chantiers, nous n’avons rien à redire (et ce ne seront que des détails); sur d’autres, il y a plus de points à améliorer. 

Avec le temps, j’ai pu constater que le « problème » peut venir de l’entreprise, ou du salarié, ou des deux : le manque d’informations et de connaissances sont deux raisons principales qui augmentent la prise de risques chez les salariés : poussières cancérogènes, absence de masques, absence de protections auditives, absence d’équipements de protection individuelle tels que masque, protections auditives, lunettes, gants, …, absence de lunettes, de gants.

Ces deux manques entraînent ainsi une incidence potentielle sur la santé. Pour cette raison, je crois vraiment que l’aspect préventif est un axe central sur lequel nous devons insister et travailler pour informer les jeunes générations tout autant que les salariés expérimentés qui exercent depuis de longues années.

A mon sens, la prévention devrait être au cœur du dispositif de formation dans les CFA (centres de formation des apprentis)

 10/ Qu’est-ce Ce qui te plaît et t’anime dans ton métier ?

Notre activité d’infirmier en santé au travail est très diversifiée. Aujourd’hui, je peux dire que je suis très intéressé par ce que je fais. Informer et apporter des conseils aux salariés et aux entreprises que je rencontre est très gratifiant. Créer des liens avec les salariés fait partie de ce que j’apprécie le plus dans mon quotidien. Comme mes échanges sont souvent brefs sur les chantiers, il faut réussir à être le plus concis possible et c’est agréable de voir que des salariés se rappellent de moi,  et qu’ils ont pris en compte les informations ou les conseils que nous avons abordés lors de mes visites, ou qu’ils demandent à voire même en rediscuter. ou en re-débattre. 

12/ Au sein de l’équipe pluridisciplinaire, te sens-tu épanoui ?

Oui ? Je travaille en collaboration avec plusieurs médecins du travail et les membres d’une équipe pluridisciplinaire. Au sein de l’ APST BTP 06, j’entretiens de très bonnes relations avec les médecins qui m’entourent, ainsi qu’avec les autres membres de l’équipe (assistantes de santé travail, assistantes de sécurité au travail, ingénieurs de prévention)

13/ Crise sanitaire : comment la santé au travail dans le BTP s’est organisée pour affronter la période de confinement ?

Nous avons réalisé, en collaboration avec les médecins du travail (présent lors du premier confinement), des protocoles pour établir le parcours des salariés de leur la réception des salariés et le parcours du salarié, de son arrivée à leurson départ. 

Nous réalisons l’accueil du salarié dans une salle « COVID » avec, prise de température, questionnaire sur les signes de la COVID-19, puis une grosse partie sur l’hygiène des mains, lavage des mains, friction hydroalcoolique. Nous leur avons rappelerappris comment bien se laver les mains, et comment utiliser la solution hydroalcoolique (beaucoup de personnes ne savaient pas comment réaliser ses gestes).

Lorsque nous avons repris nos visites, nous avons réduit le nombre de salariés à voir pour éviter des engorgements, jusqu’à ce qu’on reprenne une activité normale. Ces visites étaient l’occasion de les former sur des mesures d’hygiène, de lavage des mains ou de friction hydroalcoolique.

Depuis, des réflexes ont été conservés et sont devenus courants : quand on reçoit les salariés, toutes les mesures liées à la prévention pour éviter la transmission du virus sont intégrées., Nous suivons bien évidemment les informations délivrées par le gouvernement et plus précisément celles mises à notre disposition sur www.gouvernement.fr/info-coronavirus, avec les différents protocoles nationaux sur l’activité en entreprise et les différentes mesures à mettre à place. 

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